Bernard Saubot, Directeur des filières, des partenariats et du développement apicole est une bible vivante sur le monde des abeilles et du miel et nous passons ainsi quelques heures en sa compagnie pour bien comprendre cet univers passionnant.
Bernard Saubot, pouvez-vous décrire votre parcours ?
Cela fait 22 ans que je travaille dans l’entreprise Famille Michaud Apiculteurs. C’est un métier, un produit et une entreprise passionnants !
Auparavant j’ai fait des études d’ingénieur agronome et j’ai travaillé dans le secteur des fruits et légumes. Ce qui n’est pas sans lien avec les abeilles d’ailleurs, car pour polliniser les arbres fruitiers, il faut évidemment mettre des ruches dans les vergers.
J’ai intégré Famille Michaud Apiculteurs, en 1997, au moment où Vincent Michaud avait décidé de créer deux grosses exploitations apicoles (5 000 ruches au total) pour donner un signal fort sur la nécessité de maintenir et de développer une production de miels en France, production qui était déjà à l’époque sur le déclin.
Ce projet, qui a duré 10 ans, a donné aux pouvoirs publics et au monde apicole un signal fort de la nécessité de protéger la production française de miel. Cela a aussi abouti à la création de la Fondation Lune de Miel en 2014, ce qui est une autre façon de soutenir la production française.
Pouvez-vous nous décrire le monde des apiculteurs ?
Il y a environ 60 000 apiculteurs en France ; la plupart (56000) sont des amateurs. Il suffit d’avoir une ruche et de la déclarer aux services vétérinaires pour être considéré comme apiculteur. Apiculteur de métier, c’est donc une toute petite profession car ils ne sont en France que 4 000 à produire du miel pour le commercialiser !
Parmi les professionnels, la plupart sont indépendants et peuvent choisir librement de nous vendre leurs miels. Nous avons mis en place des filières dans lesquelles nous proposons une rémunération plus élevée que le marché avec un cahier des charges aux exigences plus strictes. Le prix du miel fluctue beaucoup selon la loi de l’offre et de la demande. Nous ne pouvons donc pas nous engager sur une rémunération fixe dans le temps. En revanche, nous pouvons nous engager à respecter cette fluctuation dans l’intérêt des producteurs.
Le miel peut-il être Bio ?
Le miel n’est pas transformé, c’est un produit totalement naturel ! Mais les apiculteurs ont aujourd’hui compris que l’appellation Bio est devenue importante pour un nombre croissant de consommateurs.
Concrètement, pour apposer le label Bio sur l’étiquette, il faut que dans un rayon de 3 km autour des ruches, les sources de nectar et de pollen soient constituées essentiellement de cultures biologiques, de flores spontanées, de parcelles entretenues au moyen de méthodes ayant une faible incidence sur l’environnement (prairies naturelles, zones humides, forêts, …).
Famille Michaud Apiculteurs va plus loin car nous analysons tous les miels Bio et vérifions, en laboratoire, l’absence de tout résidu avant de les commercialiser.
Famille Michaud Apiculteurs est parvenu en 2015/2016 à convaincre une soixantaine de producteurs de faire passer leur exploitation en conversion bio, créant ainsi l’amorce de la filière de production de miel français certifié bio.
Les abeilles sont-elles toutes les mêmes ?
Dans la famille des Apidae, il existe un bon millier d’espèces d’abeilles en France. La plupart sont solitaires et ne produisent pas de miel ! Elles jouent cependant un rôle actif dans la pollinisation de nombreux végétaux.
Concernant les abeilles mellifères, de nombreuses races ont été décrites, qui possèdent des comportements variés : certaines sont « économes » et consomment peu le miel dans la ruche, d’autres consomment beaucoup et produisent beaucoup, certaines sont plus ou moins robustes, plus ou moins résistantes aux maladies.
Il existe une race qui ne peut pas butiner la bruyère car la fleur est trop petite et étroite et la langue de l’abeille ne vas pas assez loin pour atteindre la goutte de nectar qui est au fond de la corolle florale.
Quelles sont les différentes miellés florales en France ?
Tout d’abord, il y a plusieurs miellées que l’apiculteur laisse à l’abeille, afin que la colonie se constitue un matelas de sécurité. Vous avez, par exemple, le pissenlit qui est une des premières floraisons en février. Ce miel n’est gustativement pas excellent mais les colonies sortent de l’hiver, elles sont encore peu développées et ont besoin de provision, on leur laisse donc toute la miellée de pissenlit. A l’opposé, à la fin de la saison, au mois d’octobre, nous avons le lierre en fleur qui permet de produire une belle miellée permettant un bon hivernage des abeilles.
Ensuite, pour les productions récoltées et commercialisables, cela commence au mois d’avril par le colza qui est la première grosse miellée ; viennent ensuite les arbres fruitiers courant avril (cerisier, poirier, pommier, …), début mai l’acacia ; puis l’abondance des fleurs de printemps permet des miellées polyflorales (« toutes fleurs ») et le printemps se termine avec les miellées de châtaignier, tilleul, bruyère et luzerne dans le nord. Le mois de juillet est également un mois de production très important avec la floraison de la lavande et du tournesol.
Quel sont les usages de consommation du miel par les consommateurs ?
Nous n’avons pas toujours de données précises mais nous savons que le miel liquide et le miel crémeux sont souvent utilisés différemment. Le miel liquide est utilisé pour cuisiner, comme sucre naturel dans les yaourts et le fromage blanc ou la faisselle. Le miel crémeux est plus apprécié sur les tartines !
Depuis toujours, le miel est aussi utilisé pour soulager les maux de gorge.
En effet, le miel freine le développement des bactéries, il est bactériostatique. Un médecin du CHU de Limoges a d’ailleurs fait la preuve de sa grande utilité pour la cicatrisation de certains types de plaies !
Et pour finir, quel est votre miel préféré ?
J’aime tous les miels, mais j’aime particulièrement certains miels rares comme le miel de Coriandre, très parfumé ! J’aime bien les miels forts comme le miel de châtaignier et celui d’arbousier !